Il y a quelques semaines, alors que je présentais mon workshop Khaleǐdoscope® chez Coopcity, mon interlocutrice me propose de suivre une formation sur l’Ennéagramme, « que je connais certainement ». Ben, en fait, non. J’avoue, j’en ai vaguement entendu parler, je vois régulièrement passer des schémas sur Facebook, mais mes connaissances sur le sujet ne vont pas plus loin. « Tu vas voir, c’est tout à fait dans la lignée de ce que tu fais », insiste ma potentielle future cliente (on y croit, on ne lâche rien, si tu te reconnais, n’hésite pas à m’appeler 😉). Voilà ma curiosité piquée au vif. « Vas-y, tu vas adorer » m’encourage mon amie coach. Ah bon ? À ce point-là ? Ce serait dommage de ne pas voir de quoi il retourne. Et c’est ainsi que, sans bagage ni a priori, j’ai découvert l’Ennéagramme.

L’Ennéagramme pour les nuls

Si vous connaissez déjà, n’hésitez pas à passer au paragraphe suivant.

Soyons honnêtes, je ne vais pas m’improviser experte de l’Ennéagramme après deux jours de formation. En toute humilité, je retranscris ici la substantifique moelle que j’ai retirée des enseignements de Michel Vanden Borne auprès de Coopcity.

L’Ennéagramme est un système d’étude de la personnalité hérité de la tradition orale et essentiellement théorisé au XXe siècle par Oscar Ichazo, Claudio Naranjo et Helen Palmer. Oscar Ichazo, psychologue à l’université du Chili, a mis en exergue la correspondance entre les neuf points du diagramme (d’où « Enneagramme ») et 9 « types de personnalités » différentes. C’est à lui que l’on doit le nom des neuf types.

Chacun.e d’entre nous correspondrait à un type particulier caractérisé par nos valeurs et nos motivations, mais aussi nos blessures et nos peurs. Dans un but de développement personnel, nous aurions intérêt à avoir davantage conscience de ce que nous faisons et connaître notre Enneatype nous permettrait d’identifier nos comportements automatiques, pour nous en détacher ou les assumer, selon nos choix. En comprenant mieux nos modes de fonctionnement, nous pourrions en atténuer les aspects moins reluisants ou en exploiter les forces.

C’est là que, en bonne militante de la diversité et de l’inclusion, j’ai commencé à tiquer. « On ne me mettra pas dans une case » et autres « Je ne suis pas un numéro »… surtout que les Ennéatypes sont à la base désignés par un chiffre de 1 à 9. Je vous laisse imaginer mon ressenti à ce moment de la formation. Mais la curiosité a pris le dessus, et je suis restée.

Les Enneatypes

Ils sont donc au nombre de 9. Si le sujet vous intéresse, j’ai découvert qu’il existe une littérature pléthorique sur le sujet. Très concrètement, quels sont ces Enneatypes ?

Le type 1 : Le perfectionniste

Aime l’ordre et la précision, le respect des règles, l’éthique et la vérité. Identifie sans cesse les failles et cherche en permanence à (s’)améliorer.

Le type 2 : L’altruiste

Aime rendre service, aider, écouter, faire preuve de bienveillance. Sa vie n’a de sens que s’il/elle rend service aux autres.

Le type 3 : Le battant

Cherche la performance et la réussite. Vise par-dessus tout à atteindre les objectifs fixés. Valorise l’efficacité et le pragmatisme.

Le type 4 : Le tragico-romantique

Recherche l’authenticité et la créativité. D’une sensibilité exacerbée, vit intensément ses émotions et celles des autres.

Le type 5 : L’observateur

D’une grande discrétion, vise avant tout à s’instruire et à analyser. Prend de la distance pour observer et comprendre le monde qui l’entoure.

Le type 6 : Le loyal-sceptique

Recherche la sécurité et anticipe en permanence afin de pouvoir se prémunir de tout risque éventuel.

Le type 7 : L’épicurien

Grand enthousiate, aime la nouveauté et la diversité, la créativité et la liberté. Aime les idées nouvelles et la stimulation intellectuelle.

Le type 8 : Le chef protecteur

Envisage l’existence comme un combat. Prend spontanément la défense des plus faible, quitte à se mettre personnellement en danger.

Le type 9 : Le médiateur

Recherche la paix et l’harmonie, la neutralité et le consensus.

L’électrochoc

Si vous avez déjà lu quelques-uns des articles consacrés à Khaleǐdoscope®, la lecture de ces caractéristiques doit vous avoir titillé les neurones. Moi ça m’a fait l’effet d’un électrochoc.

Bien sûr qu’il y a concordance entre cet Ennéagramme dont j’ignorais jusqu’à l’existence quand j’ai rédigé mon mémoire « et » Khaleǐdoscope® qui est la mise en pratique directe de mon modèle théorique du leadership inclusif.

Je pense important ici de revenir sur la méthode d’investigation que j’avais suivie en 2017-2018 pour aboutir à mon modèle.

Comme il existait encore peu de définitions du leadership inclusif et, partant, du leader inclusif, il était encore plus rare d’en trouver rassemblées les caractéristiques, ces notions étant encore relativement nouvelles. Je me suis donc plongée dans la littérature consacrée à ce sujet, à la fois pour me faire une idée plus précise et objective du leader inclusif afin d’en répertorier les traits caractéristiques, mais aussi pour voir dans quelle mesure les avis des spécialistes se recoupent ou non et quelle synthèse je pouvais en tirer.

J’ai abordé la question selon différents angles d’approche, à savoir la perspective de la littérature, la perspective de la consultance et enfin celle du terrain. Les caractéristiques énoncées par les uns et les autres m’ont permis de dresser un portrait aussi détaillé que possible du leader inclusif. Les traits évoqués se rejoignaient dans une large mesure, mais je trouve important de les parcourir individuellement afin de mettre en évidence la spécificité de chacun. C’est ce travail qui m’a permis d’aboutir au modèle de Khaleǐdoscope®.

Perspective de la littérature

Thais Compoint[1], spécialiste de renommée internationale en matière de diversité et d’inclusion en entreprise, compare le leadership inclusif à une hélice dont chaque élément renforce l’action motrice de l’ensemble. Ainsi, le leader inclusif actionnerait simultanément 3 pales distinctes : l’équité, l’empathie et la proactivité.

L’équité consiste à donner à chacun non pas la même chose, mais les mêmes opportunités. Pour ce faire, le responsable d’équipe doit veiller à ce que ses actions ne favorisent aucune catégorie d’individus au détriment d’autres. Le leader inclusif doit avoir conscience de ses biais inconscients, à savoir la tendance, inhérente à l’être humain, à apprécier les gens qui lui ressemblent, se comportent comme lui et sont issus du même milieu que lui. Conscient de l’influence que ces biais peuvent exercer sur lui, le leader inclusif a davantage de chance de s’entourer de talents divers et d’instaurer au sein de son équipe une culture inclusive où chacun se sent apprécié et traité équitablement.

Toujours selon Thais Compoint, l’empathie consiste, elle, à traiter les gens comme ils aimeraient être traités. Le leader inclusif comprend comment les gens se sentent, ce qui les motive et ce dont ils ont besoin. Ainsi, les membres de l’équipe se sentent inclus, respectés et appréciés pour ce qu’ils sont vraiment. L’empathie vient également renforcer la notion d’équité[2] puisque traiter les gens équitablement et leur donner les mêmes opportunités requiert parfois de traiter les gens différemment, en fonction de leurs besoins, et, pour ce faire, il faut les connaître.

La notion de proactivité consiste à prendre des initiatives afin d’accélérer le changement en vue de renforcer l’inclusion au sein de l’organisation. Les leaders inclusifs manifestent leur engagement en matière d’inclusion et incluent cette dimension dans leur quotidien. Ils prennent par exemple des initiatives pour rencontrer des candidats aux profils divers ou participent à des programmes de mentorat en faveur de l’inclusion.

Perspective de la consultance

Mes recherches m’ont amenée à m’entretenir avec Marc Timmerman[3], de la société Axiom Consulting Partners Europe. En tant que consultant, il a développé pour un grand groupe pharmaceutique international un modèle en cinq questions permettant de déceler parmi les membres du personnel les individus présentant les caractéristiques d’un leader inclusif. Il s’est pour ce faire notamment appuyé sur les recherches de Catalyst[4], une organisation mondiale à but non lucratif travaillant avec certains des PDG des plus grandes entreprises mondiales et des entreprises pionnières en matière de construction de lieux de travail pour les femmes.

Concrètement, Marc Timmerman identifie cinq traits caractéristiques du leader inclusif : l’humilité, la responsabilisation, le courage, la stimulation et l’inclusivité.

L’humilité caractérise le responsable qui reconnaît ses erreurs, apprend grâce aux critiques et accepte les différences.

La responsabilisation peut se définir comme la capacité à inspirer constamment les autres afin qu’ils assument la responsabilité de leurs actes.

Le courage rejoint la notion de proactivité de Thais Compoint, mais va au-delà. Le responsable fait preuve de courage en agissant selon ses convictions et ses principes, même si cela implique pour lui de prendre des risques personnels.

La stimulation consiste à encourager les autres à se développer et à exceller dans leur fonction.

L’inclusivité enfin revient à impliquer tous les individus, sans discrimination. Le leader inclusif est un modèle au sein de l’organisation. Il favorise un cadre de travail très performant au sein duquel les individus éprouvent un sentiment d’appartenance et dans lequel leur unicité est reconnue et valorisée. Cette notion rejoint le concept de proactivité abordé par Thais Compoint.

Perspective du terrain

J’ai également tenu à confronter le fruit de mes recherches à l’expérience de terrain d’une responsable de la diversité, à savoir Tamara Eelsing, Diversity & Inclusion Manager chez ING Belgique[5]. Selon elle, le leader inclusif, conscient de ses propres biais, se caractérise par son aptitude à instaurer un climat inclusif au sein de l’organisation. Il fait preuve de bienveillance en insistant sur les réussites au lieu de sanctionner les défaillances. Humble, il est ouvert aux remises en question et envisage les conflits comme des opportunités. Le leader inclusif ne se met pas en avant, mais inspire et encourage les membres de son équipe afin de leur permettre d’évoluer et d’endosser des responsabilités. Cette approche de terrain permet de faire la synthèse entre les points de vue de Thais Compoint et de Marc Timmerman.

Dans un souci d’exhaustivité, j’ajouterai encore une caractéristique évoquée par Fleur Bothwick, responsable de la diversité et de l’inclusion pour la région EMEIA (Europe, Moyen-Orient, Inde et Afrique) auprès d’Ernst & Young, et par Charlotte Sweeney[6], responsable du programme « Creating Inclusive Cultures » visant à instaurer un changement durable en matière d’inclusion dans les villes du Royaume-Uni. Toutes deux évoquent l’importance de la souplesse (« versatility ») du leader inclusif en se basant sur une étude menée en interne par la société Tracom[7]. Celle-ci met en effet en évidence le lien entre la souplesse du responsable d’équipe et l’efficacité de son leadership inclusif. Concrètement, la souplesse consiste à savoir comment tirer parti des forces de son propre style de management tout en reconnaissant les modes de fonctionnement uniques des autres, ce qui oblige le leader à les « exploiter » ou à les « utiliser » de la manière la plus appropriée afin que chacun rende le meilleur de lui-même.

Le modèle de Khaleǐdoscope®

C’est en synthétisant toutes ces approches que je suis arrivée aux 9 comportements de Khaleǐdoscope® (pour toute piqûre de rappel, n’hésitez pas à (re)lire mon article « Pourquoi Khaleǐdoscope® ? »)

Où Khaleǐdoscope® rencontre effectivement l’Ennéagramme

Au terme de mes deux jours de formation auprès de Coopcity, j’ai voulu aller jusqu’au bout de l’exercice et vérifier dans quelle mesure il y avait ou non correspondance entre mon modèle et L’Ennéagramme. Et je dois bien reconnaître que Khaleǐdoscope® coïncide parfaitement avec les 9 types de l’Ennéagramme. En effet, à chaque Enneatype correspond un comportement type du leader inclusif.

Je vous en fais ci-dessous la démonstration, en associant à chaque Eanneatype le comportement qui lui correspond et la phrase clé qui les caractérise tous les deux.

1 Stimulation

J’aide l’autre à devenir une meilleure version de lui-même.


2 Kindness

La bienveillance avant tout, je suis là pour l’autre.


3 Empowerment

J’invite l’autre à atteindre par lui-même l’objectif de l’inclusion.


4 Empathy

Je ressens ce que l’autre ressent, je partage ses émotions, son ressenti.


5 Humility

Je vais observer, analyser et me documenter sur la situation.


6 Proactivity

J’anticipe, avant que les problèmes ne surviennent.


7 Versatility

Je fais preuve de créativité et de souplesse, j’aime les solutions « out of the box ».


8 Courage

Je protège les faibles et je tape du poing sur la table quand il faut.


9 Equity

Je veille à offrir à chacun des opportunités égales.

Que cela me plaise ou non, il y a bien correspondance.

Où Khaleǐdoscope® se distingue de l’Ennéagramme

Si les deux modèles comportent bien chacun 9 éléments et coïncident si parfaitement, ils diffèrent toutefois dans leurs finalités. Khaleǐdoscope® n’a pas la prétention d’être un outil de développement personnel, mais bien un outil d’ouverture à l’autre, de sensibilisation à la différence et d’entraînement à l’empathie. En outre, alors que l’Ennéagramme envisage le monde comme subdivisé entre individus de l’un ou l’autre type, Khaleǐdoscope® nous encourage à mettre en pratique chacun des 9 comportements, qu’ils nous soient familiers ou non. Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin.

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[1] COMPOINT T. (2017), Succeed as an Inclusive Leader: Winning Leadership Habits in a Diverse World, Great Britain, Declic International, pp. 27–37

[2] SWEENEY C. et al. (2016), Inclusive Leadership: The Definitive Guide to Developing and Executing an Impactful Diversity and Inclusion Strategy:—Locally and Globally, Harlow, Financial Times/Prentice Hall, pp. 113–119

[3] Entretien téléphonique du 17 août 2018 entre Marc Timmerman et Cécile Cormier

[4] Catalyst, Be Inclusive, (page consultée le 21 août 2018) [html] http://www.catalyst.org/be-inclusive

[5] Entretien du 31 juillet 2018 entre Tamara Eelsing et Cécile Cormier

[6] SWEENEY C. et al. (2016), Inclusive Leadership: The Definitive Guide to Developing and Executing an Impactful Diversity and Inclusion Strategy:—Locally and Globally, Harlow, Financial Times/Prentice Hall, p. 193

[7] Tracom Group, Research: The Relationship Between Versatility and Diversity Among Leaders, (page consultée le 12 août 2018) [pdf en ligne] https://www.tracomcorp.com/wp-content/uploads/2018/05/2018-Relationship-Between-Versatility-and[7]Diversity-Among-Leaders.pdf