À toutes celles qui se reconnaîtront…
Selon les anciens Égyptiens, les chats auraient 9 vies. Les adorateurs de Bastet avaient en effet remarqué que ces félins étaient capables de sortir vivants d’une chute d’une hauteur considérable. Ne dit-on pas que les chats semblent toujours retomber sur leurs pattes ?
Pourquoi vous parler des 9 vies des chats ?
Laissez-moi vous raconter l’histoire de 9 femmes qui retombent elles aussi toujours sur leurs pattes.
Elles étaient prof, conseillère conjugale, traductrice, manager, responsable financier, psychologue, travailleuse humanitaire, business woman ou danseuse. Entre leur boulot et leur quotidien de femmes, de compagnes, de mères aussi, elles menaient une vie suffisamment trépidante pour ne pas avoir le temps de se poser de questions.
Un jour, le coup de massue leur est tombé dessus. « Nous sommes vraiment désolés, mais nous n’allons plus pouvoir travailler avec toi. Crois bien que nous avons cherché toutes les solutions pour ne pas en arriver là, mais il n’y a pas d’autre issue. Ne le prends pas personnellement surtout. » Pas-personnellement-surtout. Tu parles.
Elles ont galéré. Enduré les mascarades d’entretien d’embauche. Essuyé quantité de refus. Jusqu’au jour où elles ont reçu cet e-mail qui leur proposait de participer à une formation professionnelle qualifiante. Un certificat universitaire qui leur permettrait de rebattre les cartes et de se donner enfin les moyens d’accéder à une fonction où elles pourraient exploiter leur plein potentiel.
La compétition était rude. Pour espérer pouvoir participer aux épreuves de sélection, elles ont dû introduire un dossier de candidature, remplir une vingtaine de pages de questions dont chaque réponse requérait l’équivalent d’une dissertation.
Et puis, incrédules, elles ont été invitées à une séance d’information. Elles étaient déjà si heureuses d’avoir été retenues. Enfin l’esquisse d’une marque de reconnaissance de leur existence. Déjà une victoire en soi.
Elles se sont retrouvées, à 37, dans un grand auditoire, au milieu de plein d’autres inconnus, tous désireux de décrocher le fameux sésame qui leur donnerait accès à ladite formation. Elles y ont appris qu’il y avait au départ 89 candidats et que, en tout, seuls 12 seraient retenus, maximum. Elles ont regardé autour d’elles. C’est sûr, le type en costard-cravate au premier rang, il serait pris. Et cette femme venue d’Anvers, c’est sûr, motivée comme elle l’était, ils la garderaient… Ou pas.
Les orateurs ont une fois encore parcouru le programme de la formation et leur ont donné une dernière chance de se dégonfler. Elles sont restées sur leur chaise. Chacune à son tour a été conviée à un entretien individuel. Il a fallu se battre, défendre sa place, bec et ongles. Se mettre en avant, parfois pour la première fois dans leur vie, et convaincre que cette place, elles la méritaient, plus que quiconque. Sans flancher face aux attaques, sans baisser la garde face aux chausse-trapes.
Et elles ont été retenues ! Ah ce coup de fil ! « Madame ? Si vous êtes toujours disponible, nous aimerions vous faire savoir que votre dossier a été sélectionné. La formation commence jeudi prochain. »
Il a fallu s’organiser, chambouler la vie de famille en quelques jours.
Les cours ont commencé. Elles ont été toutes étonnées de voir qui avait été choisi.e. Elles ont retrouvé les rivales de la veille. « Mais pourquoi elles ? » « Et pourquoi moi ? »
Les premières journées ont été particulièrement rudes. Indépendamment de la matière à assimiler et du rythme soutenu en tant que tels, elles ont dû s’apprivoiser les unes les autres. Apprendre à se faire confiance, malgré leurs plaies ouvertes, oser collaborer et s’entraider, alors qu’elles étaient en compétition la semaine d’avant.
Des amitiés se sont nouées. Des rôles se sont dégagés. Et elles se sont révélées d’une efficacité redoutable. Ensemble, on est plus fort, et ce n’est pas qu’un slogan.
Elles redoutaient des cours académiques déconnectés de la réalité. Elles ont rencontré des guides, des mentors, des modèles et une marraine. Des hommes et une femme qui croyaient en elles et en leurs capacités, qui voyaient en elles des individus capables, au-delà de leurs failles.
Les travaux pratiques se sont accumulés. La fatigue et la tension se sont installées.
Puis sont arrivées les vacances de fin d’années et avec elles l’isolement. Plus aucun contact ou presque. Les fêtes entre deux syllabus. La peur de l’examen final. Les entretiens à décrocher, le stage à trouver, sans parler du Saint Graal : un job ! Les anciennes peurs qui reviennent. Les doutes.
Elles se sont retrouvées à la rentrée, heureuses de reformer le groupe.
Elles ont alors tout donné. Elles n’ont ménagé aucun effort. Elles se sont découvertes ambitieuses, entreprenantes, culottées même. Elles ont frappé aux portes, obtenu les interviews tant souhaitées. Et elles ont chacune trouvé le stage de leur rêve qui leur a permis d’accéder à un nouvel horizon professionnel.
Aujourd’hui, elles sont encore en contact et se revoient périodiquement.
Elles viennent d’écrire à leurs anciens professeurs qu’elles sont toutes disposées à accueillir d’éventuels stagiaires et l’une d’elles célèbrera cette journée du 8 mars en animant un atelier Khaleidoscope dans une école primaire parce que, oui, l’inclusion, cela se travaille dès le plus jeune âge.
Elles ont eu une vie avant. Elles ont une autre vie maintenant. Comme les chats, elles sont retombées sur leurs pattes.