Dans un contexte insécurisant, si les réseaux constituent l’un des rares canaux nous permettant de rester en contact les uns avec les autres, ils amplifient aussi les crispations et autres tensions. Les échanges virtuels prennent le pas sur la réalité, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit. Nous souhaitons garder le contact avec nos pairs, quitte à ce qu’il soit nocif voire toxique. Mais comment restaurer un climat serein au sein du groupe lorsque l’empathie a cédé la place à l’expression de nos plus sombres frustrations ?
Chose promise, chose due. Je développe actuellement la version pour ados de Khaleǐdoscope®. J’avais l’intime conviction que les plus grands avaient besoins d’une version bien à eux. Je savais bien, au fond de moi, que leurs problématiques étaient différentes de celles des enfants. Après tout, ne dit-on pas « Petits enfants, petits soucis, grands enfants… ». J’ai craint à un moment faire fausse route et ne pas récolter suffisamment de mises en situation pour constituer une extension à part entière. Mais, au fur et à mesure de mon cheminement, je récolte de plus en plus de témoignages, les langues se déliant à mesure que j’avance. Mon intuition était la bonne ! À tel point que je sortirai deux extensions distinctes pour ados : l’une s’inspire de mes échanges avec des psychologues et des familles, elle ciblera la cellule familiale et la relation à soi ; l’autre découle de témoignages recueillis auprès d’ados et d’enseignants et se concentre sur l’école, les réseaux sociaux et le harcèlement. Pourquoi ceux deux versions ? Tout simplement parce qu’il existe une myriade de situations d’exclusion et que j’ai pour ambition de les combattre avec vous, sur tous les fronts.
Je me penche aujourd’hui sur cette version axée sur l’école, les réseaux sociaux et le harcèlement. J’assistais hier à un webinaire consacré au cyberharcèlement chez les adolescents. Les deux expertes y soulignaient l’importance de construire une trousse à outils adaptable à chaque cas afin d’aider le jeune à construire les pistes de solution qui lui conviennent. Et j’ai tout naturellement pensé à mon Khaleǐdoscope® : grâce à l’échange de points de vue et de bonnes pratiques, cet outil d’apparence ludique permet justement la co-construction de remèdes inclusifs au harcèlement adaptés au quotidien des participants et directement transposables sur le terrain.
Mais en quoi l’inclusion permettrait-elle de lutter contre le harcèlement ?
Le phénomène de harcèlement regroupe généralement trois types d’acteurs : le ou les auteurs ou harceleur, des témoins et une victime.
Les harceleurs s’en prennent rarement à un groupe. Ils se focalisent sur un petit nombre d’individus dont ils utilisent les différences, qu’ils stigmatisent, peu importe la nature de celles-ci.
Les témoins, eux, peuvent être de trois types : actifs, passifs ou neutres. Les témoins actifs valident les actes des harceleurs et leur servent de caisse de résonance. Les témoins passifs ne cautionnent pas forcément les faits mais n’osent pas se manifester par peur de représailles. Les témoins neutres n’ont pas conscience des événements et/ou de leur gravité. Tant que les témoins, quels qu’ils soient, ne confrontent pas les auteurs, leur attitude renforce d’autant le sentiment d’isolement des victimes.
La victime, elle, se sent progressivement piégée et à cours de ressources. Elle ne voit plus aucune issue et arrive à la conviction que toute tentative de résolution aggravera encore la situation.
Les harceleurs sont également pris à leur propre jeu. Leurs actes sont souvent le reflet d’un profond mal-être dont ils n’arrivent pas à s’extraire autrement. « Si je change d’attitude maintenant, je vais perdre la face et les autres vont se retourner contre moi ! ».
C’est ici que l’inclusion trouve toute sa raison d’être. En accueillant les différences avec bienveillance, en renforçant la cohésion de groupe et en valorisant les forces des un.e.s et des autres, je re-tisse les liens, je re-construis la confiance et je permet à l’ensemble du groupe de repartir sur des bases saines.
Et dans la pratique ?
Concrètement, cela suppose d’instaurer ou de rétablir un climat sécurisant, pour les harceleurs, les témoins et les victimes. D’une part, Khaleǐdoscope® met en évidence les situations de harcèlement, ce qui permet notamment une prise de conscience de la part des témoins neutres. D’autre part, chaque joueur.se prend à tour de rôle la position de victime le temps d’une carte, ce qui favorise le développement de l’empathie. Les autres participant.e.s proposent leur interprétation de divers comportements inclusifs en vue de restaurer le sentiment d’inclusion de chacun.e. Les joueur.se.s échangent sur la faisabilité des différentes solutions envisagées et deviennent dès lors acteurs du changement. La victime choisit le comportement et son interprétation qui lui parlent le plus, en toute subjectivité, étant entendu qu’il n’y a en cette matière ni bonne ni mauvaise réponse. Nous avons tous nos sensibilités et nos besoins, qui peuvent varier au fil du temps.
Comment décliner les 9 comportements inclusifs en cas de cyberharcèlement ?
Passons maintenant à la pratique. Imaginons donc qu’un.e joueur.se tire une carte directement liée à une situation de cyberharcèlement. Quelles pourraient être les différentes interprétations des 9 comportements clés du leader inclusif :
- La bienveillance (Kindness) : Je souligne les succès au lieu de sanctionner les échecs. « Tu as bien fait de me parler. Ca peut arriver à tout le monde. Tu n’a strictement rien à te reprocher. »
- L’humilité (Humility) : Je suis modeste, j’admets mes erreurs et je crée un espace afin que les autres puissent apporter leur contribution. « Je n’avais pas conscience de l’ampleur de ce qui se passait. Je te présente toutes mes excuses. ».
- L’empathie (Empathy) : Je comprends ce que les gens ressentent, ce qui les motive et ce dont ils ont besoin. « Je suis là pour toi, je t’écoute. Parle-moi. Je ne te jugerai pas. »
- La responsabilisation (Empowerment) : J’incite les autres à assumer la responsabilité de leurs actes. Dans le désordre : « Je peux laisser à disposition des brochures d’associations spécialisées », « Que pourrais-tu faire pour sécuriser ton compte ? », « Connais-tu les numéros 103 et 116 000 ? » « Et si tu te déconnectais des réseaux un petit temps, histoire de prendre de la distance ? », « La prochaine fois que ça se passe, fais une capture d’écran, garde des preuves », etc.
- L’équité (Equity) : J’offre à chacun des opportunités égales. « J’offre une oreille bienveillante à toutes les parties concernées, sans jugement. Je sais que les harceleurs sont en souffrance eux aussi. Je les implique dans la résolution du problème. »
- La stimulation (Stimulation) : J’incite les autres à grandir et à devenir une meilleure version d’eux-mêmes. « Tu es plein.e de ressources, tu vas t’en sortir. Ce n’est pas une fatalité. Imagine la satisfaction que tu vas retirer de toute cette histoire quand tu en seras sorti.e.. Pense à tout ce que cette expérience t’enseigne. »
- Le courage (Courage) : J’agis selon mes convictions et principes, même lorsque cela entraîne une prise de risque personnelle. « En tant que témoin, je fais la distinction entre la position de balance qui cherche à dénoncer pour punir et la position de lanceur d’alerte pour protéger. Je prends mon courage à deux mains et j’avertis les personnes responsables. ».
- La proactivité (Proactivity) : Je suis un champion du changement. Je prends des initiatives de manière proactives afin de renforcer l’inclusion. « En tant qu’enseignant, j’attire spontanément l’attention de mes élèves sur l’importance de l’empathie et du respect mutuel, même dans le monde virtuel. »
- La souplesse (Versatility) : Je sais m’adapter et je suis ouvert(e) à d’autres modes de fonctionnement. « Essayons une autre approche. J’ai entendu parler d’un outil décalé et rudement futé. Attends, j’ai le nom sur le bout de la langue, ça s’appelait… ».
Il ne s’agit ici que d’exemples. J’ai conçu Khaleǐdoscope® pour démontrer l’infinité de solutions inclusives que nous pouvons mettre en place.
Et vous, quelle carte joueriez-vous ? Que feriez-vous ? Concrètement ?